Avertissement: Les paragraphes suivants contiennent des spoilers par rapport à plusieurs films du studio Ghibli. Il est recommandé de les avoir vus auparavant si on ne veut pas gâcher le plaisir de leur découverte.

Au début de l'été, France Télévision diffusait sur ses chaines France 4 et Okoo six films du studio Ghibli, à savoir La Colline aux Coquelicots de Gorō Miyazaki, Si tu tends l'oreille de Yoshifumi Kondō, Le Royaume des chats de Hiroyuki Morita, Mes Voisins les Yamada d'Isao Takahata, Souvenirs de Marnie et Arietty, le monde des chapardeurs, tous deux de Hiromasa Yonebayashi. A cela, s'accompagnait sur le site du groupe un article intitulé "Ghibli, le studio d'animés le plus kawaï".

Si kawaï, aussi orthographié kawaii, y est défini, à raison, comme "mignon", on peut se gratter un peu la tête face à une telle affirmation. Mon but ici n'est pas de taper sur une journaliste tentant d'annoncer des films sur des chaînes jeunesse, d'autant plus que l'aspect kawaii n'y est pas plus élaboré dans son article, mais bien de développer sur un contre-sens qui semble plus répandu que ça.

En effet, le récent épisode sur "le style Ghibli" par OpenAI, au delà des problèmes soulevés par Hayao Miyazaki lui-même et des utilisations complétement opposées à l'esprit du studio, semble se rapprocher de cette idée: Ghibli serait un label d'imagerie mignonne et pas grand chose d'autre.

Scène de Souvenir Goutte à Goutte
Taeko, femme japonaise de 27 ans, cheveux foncés, yeux noirs, portant un T-Shirt clair, arbore de grands yeux écarquillés et une bouche entrouverte comme pour dire sa terreur, pendant que des gouttes perlent sur son visage, sans que l'on sache si il s'agit de sueur ou de la pluie.
En effet, en arrière-plan, on a des couleurs sombres suggérant qu'il fait nuit, entrecoupées de traits blancs, indiquant qu'il pleut.

Disons-le clairement: même si le studio a pu nous apporter des séquences "kawaii" dans l'esprit, c'est un immense contre-sens de ce qu'est Ghibli et de ce que le studio a produit au fil des années. Pour celleux qui connaissent un tant soit peu le studio, c'est une évidence, mais si le grand public pense ça, ce serait clairement un grand quiproquo.

Je vais éviter un quelconque malentendu : je ne prétends pas pouvoir changer l'opinion publique à moi tout seul, du haut mon influence très limitée! Cela dit, je vais tenter de donner quelques éléments, sans être exhaustif, pour montrer que les films produits par Ghibli peuvent ne pas être aussi "kawaii" qu'on ne le pense, en prenant entre autre pour exemples, ceux diffusés par France Télévision, qui sont pourtant accessibles pour un jeune public.

Des images franchement dérangeantes

Avertissement: Les événements décrits dans les paragraphes suivants peuvent heurter la sensibilité des lecteurices, si vous traversez un moment difficile, il est recommandé de ne pas lire cette partie.

L'argument-massue pour pulvériser la théorie d'un studio Ghibli mignon peut tenir en un titre de film: Le Tombeau des Lucioles d'Isao Takahata, dont le visionnage a pu traumatiser des adultes (lien en anglais).

Dès le début, la couleur est clairement annoncée vu que les premiers mots du long-métrage prononcés par Seita, le protagoniste, sont: "La nuit du 21 septembre 1945... je suis mort". Ses derniers instants, difficilement soutenables, sont ensuite dépeints dans des conditions qui rappellent une actualité horrible.

Première image du film le Tombeau des Lucioles
Seita, adolescent japonais de 14 ans, aux cheveux foncés et aux yeux noirs, portant une chemise foncée avec deux poches au niveau de la poitrine, deux sacs dont les bandoulières, une claire, une plus foncée, se croisent et une casquette blanche avec une visière foncée, regarde fixement devant lui.
Il est baigné dans une lumière rougeâtre qui rend les couleurs difficiles à distinguer.
Le fond derrière lui est noir.

Le reste du film tiendra la longueur en terme d'imagerie dérangeante, avec les bombardements, leurs conséquences, les morts en tout genre, la destruction et la déshumanisation des individus.

Il est indéniable que le concept même du film est tout sauf kawaii. En s'attelant à raconter la tentative de survie de deux jeunes enfants dans le Japon de 1945 et son échec annoncé, Isao Takahata a réalisé un des films d'animation les plus durs de l'histoire du cinéma.

Alors, est-ce que ce film est une anomalie chez Ghibli? Ce qui est vrai, c'est que comparé au reste du catalogue du studio, il détonne par son approche frontale et réaliste de son sujet.

En revanche, il est loin d'être la seule source de scènes perturbantes et d'ailleurs, le monde a découvert Ghibli avec un autre film pour le moins déroutant: Princesse Mononoke de Hayao Miyazaki.

Le premier film de Ghibli ayant bénéficié d'une distribution internationale s'ouvre lui aussi sur une scène particulièrement dérangeante: l'attaque d'un dieu-sanglier devenu démon sur le village d'Ashitaka. S'ensuivront des scènes particulièrement graphiques de massacres dans le Japon de l'ère Muromachi en pleine guerre civile, des combats entre la communauté de Dame Eboshi et les habitant.e.s de la forêt et un dernier acte qui combine tout ça, pour un résultat aussi violent qu'on peut l'imaginer. Et on n'oublie pas qu'une des scènes les plus connues du film est l'apparition de San, la bouche couverte de sang.

Scène culte de Princesse Mononoke
San, jeune femme japonaise aux cheveux foncés et aux yeux noirs, portant de grosses boucles d'oreilles blanches, un collier aves de gros objets blancs ressemblant à des griffes, une cape en fourrure blanche, un genre de haut blanc au dessu d'une tunique bleu foncé, un genre de fin bandeau noir autour de la tête et deux bandeaux noirs aux biceps, des peintures pourpres au niveau des joues et du front, et la bouche couverte de sang, se tient debout et fixe avec un air de défi.
Derrière elle se tient une immense louve blanche, la déesse Moro, plus grande qu'elle, les traits tirés, la rendant menaçante.
Derrière, on distingue des arbres d'un feuillage verdoyant, indiquant qu'on se situe dans une forêt.

En définitive, les scènes pas du tout kawaii sont légion chez Ghibli, on peut en évoquer quelques-unes en pagaille: les batailles aériennes de monstres dans le Château Ambulant, dont on retrouve une variante dans Le Vent se lève, la transformation des parents de Chihiro en cochon et le Sans-Visage devenant un monstre carnassier dans le Voyage de Chihiro, la charge des Gomus et le Guerrier Géant dans Nausicaä

Pour en venir aux films diffusés cet été par France Télévison, eux aussi ont leur lot d'images perturbantes, souvent dans une moindre mesure certes. La crise d'angoisse inaugurale de Souvenirs de Marnie, Haru capturant Homily en la terrorisant dans Arrietty, l'inquiétant Roi-Chat dans le Royaume des Chats, Shizuku s'effondrant d'épuisement dans Si tu tends l'oreille, les navires se faisant couler pendant la guerre de Corée dans la Colline aux Coquelicots… Même, Mes Voisins les Yamada, pourtant réputé léger, contient un échange tendu entre Takashi, le père de famille et une bande de bikers, scène pendant laquelle le trait du dessin change d'ailleurs.

Scène d'Arietty, le petit monde des chapardeurs
Au deuxième plan, Haru, femme japonaise sexagénaire aux cheveux bruns, yeux noirs, portant un haut orange avec un gilet jaune pâle, qui arbore un demi-sourire satisfait.
Au premier plan, on voit sa main qui tient du bout des doigts, Homily, une femme qui mesure quelques centimètres, une "chapardeuse", cheveux foncés attachés vers l'arrière, yeux noirs, habillée d'une robe mauve, d'un genre de tablier jaune et de chaussures vertes. Elle a le corps tourné vers le bas, et elle a l'air terrifiée. En effet, en dessous d'elle, on distingue l'ouverture d'un bocal en verre, dans lequel elle va être plongée.
En arrière-plan, on distingue des meubles blancs, et une fenêtre donnant sur des arbres au feuillage verdoyant.

Il n'est pas question ici de tomber dans le relativisme en disant que les colères du Roi-Chat sont au même niveau que la mort de Setsuko, il est évident que le curseur n'est pas au même endroit pour les deux scènes! En revanche, elles démontrent à des degrés très différents que Ghibli ne produit pas qu'une imagerie mignonne.

D'ailleurs, bien souvent, ces images dérangeantes accompagnent des idées du film qui ne sont pas très kawaii non plus…

Un contexte parfois peu léger

Les films de Ghibli sont souvent traversés de contextes, sous-textes qui peuvent dépasser la première lecture.

Si certains contextes peuvent paraître évidents, comme la catastrophe écologique dans Ponyo sur la falaise, la lutte des humains contre la nature dans Princesse Mononoke ou encore le deuil dans le Garçon et le Héron, d'autres peuvent être éclipsés par d'autres éléments, se cacher dans des détails moins visibles au premier abord.

Par exemple, les deux scènes de destruction dans Nausicaä et le Chateau dans le Ciel mises en parallèle à la fois dans l'analyse de Bobine et dans "Miyazaki, l'esprit de la Nature" diffusé sur Arte, malheureusement indisponible en version originale; semblent délivrer un message pas si évident au premier abord. Elles peuvent rappeler une autre explosion célèbre de l'animation japonaise: celle en ouverture d'Akira.

Scène de Nausicaä de la Vallée du Vent
Au premier plan, Princesse Kushana, jeune femme aux cheveux châtains, aux yeux noirs, portant une tunique blanche, un genre d'armure recouvrant tout son bras gauche, une couronne étrange sur la tête et des boucles d'oreille, se tient de profil et arbore un air déterminé.
Derrière elle, se tient un Guerrier Géant, immense créature vaguement humanoïde, à la peau argileuse, aux yeux verts vitreux avec une bouche dont semble s'échapper du sable entourée d'immenses dents pointues disposées de manière chaotique. De la poussière semble s'échapper de plusieurs endroits de son corps, comme pour souligner son aspect instable.
Le ciel en arrière plan est noir, indiquant que la scène se déroule la nuit.

Alors qu'on peut avoir tendance à retenir de Nausicaä une fable écologique et le Chateau dans le Ciel comme une aventure fantastique, ces films traitent aussi de la guerre et du traumatisme qu'elle a eu au Japon. On peut même se demander si les Tolmèques de Nausicaä par leur invasion et leur soif de contrôle quitte à tout détruire ne seraient pas une représentation des Etats-Unis ou a minima de l'impérialisme en général. Si on rajoute les différentes théories sur les liens entre les deux films alimentées par la présence de renard-écureuils dans les deux long-métrages, il y a définitivement matière à discussion.

Tout ça pour dire que les Ghibli sont souvent parcourus par des sous-textes moins évidents, qui les rendent passionnants à analyser mais peuvent être peu joyeux.

Même les films les plus innocents en apparence n'y échappent pas, comme par exemple Mon Voisin Totoro et Kiki la petite sorcière.

Si le premier est souvent retenu pour son personnage éponyme, le fil narratif du film est moins mignon: la maladie chronique de la mère de Mei et Satsuki. En effet, la famille déménage en début de film pour se rapprocher de l'hôpital où elle est soignée et les conséquences de son absence vont se faire ressentir sur les deux filles, jusqu'à entrainer la fugue de la plus jeune.

Scène de Mon Voisin Totoro
Mei, petite fille de 4-5 ans japonaise, aux cheveux bruns coiffés en deux couette de chaque côté de sa tête, portant une robe rose pâle, tenant un maïs entier dans les mains, pleure les yeux fermés tout en criant à gorge déployée.
On distingue derrière elle, le chemin terreux avec quelques pierre sur lequel elle marche, ainsi que quelques herbes vertes le bordant.

Pour Kiki, au delà des enthousiasmantes scènes en balai volant, c'est l'histoire d'une adolescente qui a du mal à trouver sa place dans la société au point d'en déprimer.

D'ailleurs, on retrouve cette idée dans Souvenirs de Marnie, où l'héroïne, Anna, ne se sent pas à sa place non plus, n'arrivant pas à s'ouvrir aux autres. A cela s'ajoute aussi le malaise par rapport à son adoption: elle ne sait pas qui elle est et si elle mérite même d'être aimée.

Les autres films diffusés par France Télévision sont tout autant traversés par des contextes parfois difficiles.

Mes Voisins les Yamada, sous des dehors humoristiques, expose la face peu ragoutante de la famille nucléaire, un peu comme Souvenir Goutte à Goutte du même réalisateur. En effet, le père de famille est complétement largué par rapport à ses responsabilités dans le foyer, la mère est au contraire débordée pour faire marcher la maisonnée, la grand-mère a un comportement parfois erratique et les enfants tentent de se dépatouiller au milieu. Et même si il est traité avec humour, un des premiers segments du film, et un des plus longs, est à la fois grave et beaucoup trop commun: toute la famille oublie la petite dernière, Nonoko, lors d'une sortie au supermarché et ne s'en rend compte qu'une fois en route pour rentrer à la maison.

Si tu tends l'oreille traite aussi de sujets peu joyeux, à savoir la distance que ressent Shizuku par rapport à Seiji qu'elle aime, que se soit aussi bien physique puisqu'il part à Crémone pour sa formation de luthier, qu'émotionnelle vu qu'elle ne se sent pas à la hauteur du talent qu'elle lui trouve. Elle va alors se lancer dans un défi pour montrer sa valeur en écrivant un roman et va se heurter à la difficulté de valoriser une activité créative dans un monde matérialiste. En plus de ces différents thèmes, un autre sous-texte pour le coup très sombre a été développé par le vidéaste Schaffrillas (en anglais): le moment où Shizuku s'effondre, dont on a déjà parlé, peut être relié avec la mort de son réalisateur, Yoshifumi Kondō, sans doute pour surmenage au travail.

Scène de Si tu tends l'oreille
Shizuku, adolescente japonaise de 14-15 ans, aux cheveux noirs et yeux noirs, portant un pull jaune pâle et une chemise blanche, tenant sous ses bras un genre d'édredon rayé vert et orange qui se finit à son extrémité sur un lion, sur le quel elle semble s'avachir. Elle arbore une mine triste.
En arrière plan, on distingue un lit en bois peint en blanc cassé avec des couvertures où la couleur rose prédomine, ainsi que l'oreille d'un ours en peluche.

Dans la Colline aux Coquelicots, ce que l'on peut voir en filigrane, c'est une image pas forcément très reluisante du Japon des années 60. En effet, subissant une modernisation forcée, les différents vestiges du passé apparaissent comme superflus, condamnés à disparaître, comme le "Quartier Latin", maison des association du lycée de Umi et Shun, menacée de destruction. C'est une thématique qu'on retrouve dans d'autres films chez Ghibli, la modernité écrasant les traditions, entrainant une confusion sur l'identité même des individus, comme le développe le CinématoGrapheur avec M. Bobine dans son analyse du Voyage de Chihiro. Dans la même idée, on voit dans le film un Japon en manque de repères suite à la destruction des différentes guerres qu'il a traversées, au point qu'Umi et Shun ne savent pas si leur amour est possible.

Arrietty est aussi porteur de thèmes graves. Shō se rend à la campagne parce qu'il est gravement malade et s'est résigné à l'idée de mourir. De son côté, la manière dont Arrietty et sa famille sont traités par les humains évoque aussi bien le spécisme, le mépris qu'on peut avoir envers des espèces qu'on considère comme inférieures justifiant les maltraitances qu'on leur inflige; que les réfugié.e.s obligé.e.s de quitter leurs racines dans l'espoir d'une vie meilleure.

Enfin, le Royaume des Chats, lui aussi innocent au premier abord, décrit une tyrannie. En effet, le Roi-Chat dont on a déjà parlé est un véritable despote qui veut entre autre contraindre Haru à un mariage forcé, quitte à changer sa nature profonde. D'ailleurs, si ses pires projets se mettent en place, c'est aussi parce que ses sujets lui obéissent même lorsque ses ordres ont des implications horribles. De ce point de vue, le personnage de Natoru est révélateur, vu qu'elle organise l'enlèvements d'Haru pour l'amener au Royaume des Chats et lorsque le Roi veut faire exploser une tour contre l'avis de son conseiller, elle s'empresse de lui tendre le détonateur. C'est d'autant plus ironique que c'est une chatte à l'allure "kawaï"!

Scène du Royaume des Chats
Natoru, chatte au pelage marron clair à l'exception des oreilles noires, les joues rosées, se tenant aux barres d'une grille comme le ferait un humain en levant la patte gauche comme pour saluer quelqu'un.
On distingue derrière elle, des arbres et des buissons verdoyants et plus loin des bâtiments de couleur claire, ainsi qu'un mur blanc sur la gauche.

Et ensuite?

Suite à toutes ses observations, on peut se poser quelques questions, notamment, que faire si on veut projeter des Ghibli à de jeunes enfants?

Bon déjà, il existe des articles qui conseillent à partir de quel âge regarder quel film, notamment chez Télérama. Bon, je ne suis personnellement pas tout à fait d'accord avec toutes les entrées, entre autre attendre les 9 ans pour faire découvrir Kiki, mais cela veut aussi peut-être dire qu'il faut se fier à son jugement. Et comme je l'ai évoqué en début d'article, les films diffusés par France Télévision cet été sont globalement accessibles à un jeune public avec un bémol pour Souvenirs de Marnie où il faut peut-être attendre les 9-10 ans pour un premier visionnage.

D'autant plus que le problème n'est pas forcément d'exposer les enfants à des images parfois perturbantes. Enfin, encore une fois, jusqu'à un certain point, je ne dis pas non plus de mettre vos bambins devant le Tombeau des Lucioles ou Princesse Mononoke. Mais, beaucoup de studios d'animation orientés pour un jeune public produisent des films pas uniformément mignons, dont le plus connu d'entre eux: Disney.

Alors oui, Ghibli se veut un anti-Disney dans sa façon de faire, même si les deux studios ont une histoire commune contrariée (lien en anglais) et d'ailleurs Miyazaki ne s'est pas gêné pour dire du mal du studio aux grandes oreilles (lien en anglais aussi). Mais, les deux ont en commun d'avoir créé des classiques pour la jeunesse qui ont traversé les années et parfois les générations.

Scène du Roi Lion
Simba, lionceau au pelage doré, descend d'un décor en pierre de type canyon, avec ses grands yeux jaunes écarquillés, et le museau entrouvert comme pour signifier un choc, une appréhension. De la poussière semble s'élever autour de lui et la lumière est assez basse.
Spoiler: Il s'agit du début de la scène où il découvre que Mufasa, son père est mort.

Et côté imagerie gentiment perturbante, on est plutôt servi chez la firme de Walt: la mort de Mufasa dans le Roi Lion, ce connard de chasseur dans Bambi, l'acquisition des pleins pouvoirs de Jafar dans Aladdin, la sorcière de Blanche-Neige, la transformation de Maléfique dans la Belle au Bois Dormant… Ce sont autant de scènes qui ont bercé notre enfance, sans forcément traumatiser des générations de jeunes téléspectateurs. Au contraire, ça pouvait montrer un moyen de surmonter de tels antagonismes.

D'ailleurs, même si les créateurs de Ghibli s'y prennent différemment, leurs films contiennent en eux-mêmes la solution aux problèmes qu'ils soulèvent et il est tentant de la résumer en un simple concept: la solidarité.

En effet, pour Mon voisin Totoro, c'est la solidarité des habitants du village, puis des esprits de la nature qui permettent de retrouver Mei et d'apporter un peu de réconfort à la mère malade des deux filles. De même, dans Kiki la petite sorcière, c'est l'accueil chaleureux des habitants de Koriko que rencontre l'adolescente et leurs conseils qui aident l'héroïne à se trouver.

Scène de Kiki, la petite sorcière
Kiki, jeune fille de 13 ans, au cheveux noirs, aux yeux noirs, portant une robe noire, des souliers blancs et orange et un ruban rouge dans les cheveux, tenant un balai à la brosse rectangulaire entre les mains et Tombo, jeune garçon du même âge aux cheveux châtains clairs, portant un T-Shirt rayé rouge et blanc, un jean s'arrêtant à la moitié des mollets, des chaussures marrons et des lunettes, se tiennent sur une plateforme ronde de pompiers de couleur jaune et rouge. Si le garçon a l'air heureux, en fermant les yeux, ouvrant la bouche de contentement, levant la gauche pour faire le V de victoire et posant la main sur l'épaule de Kiki, cette dernière a l'air plus timorée.
En effet, autour d'eux se tiennent des pompiers en uniformes et casques bleus qui tiennent la plateforme avec l'aide de personnes en civil, ainsi qu'une foule de personnes levant les bras et criant comme pour les acclamer. Des confettis blancs tombent sur elleux comme souligner l'aspect festif de la scène.

De la même manière, dans Souvenirs de Marnie, c'est l'aide cumulée des cousins; de Toichi, le pêcheur silencieux; d'Hisako, la peintre; de Sayaka, la fille du manoir et bien entendu de Marnie qui vont aider Anna à surmonter ses angoisses, s'accepter et s'ouvrir aux autres.

Pour rester sur les films diffusés par France Télévision, c'est aussi la solidarité qui permet aux Yamada de passer les épreuves. Il s'agit aussi bien de la solidarité au sein de la famille, comme lorsque la grand-mère intervient auprès des bikers de manière peu conventionnelle, mais efficace, qu'en dehors, comme lors de l'épisode au supermarché où Nonoko aide un autre enfant perdu et se fait ensuite héberger par une voisine.

Dans la Coline aux coquelicots, c'est le travail collectif des lycéen.ne.s qui permet la rénovation du "Quartier latin", le sauvant de la destruction. De même, c'est une discussion entre la mère d'Umi et le père de Shun, partageant une inquiétude pour leurs enfants qui entraine la résolution de l'histoire entre les deux adolescent.e.s.

Scène de la Colline aux Coquelicots
Plusieurs étudiant.e.s japonais.es en uniforme sont en liesse
Au premier plan, de gauche à droite, deux filles avec une chemise blanche, un genre de cape blanche avec un trait bleu au bord, une jupe bleu foncé et un ruban vert autour du cou se prennent dans les bras, en fermant les yeux; puis une fille avec le même uniforme et une broche rose dans les cheveux saute au cou d'un garçon avec une chemise bleue, portant des lunettes, se tenant les mains sur les hanches et affichant un sourire satisfait, c'est le seul personnage de la scène avec les yeux ouverts; puis trois filles avec un uniforme presque identique à l'exception du ruban rose, se tiennent les mains, l'air joyeux.
A l'arrière plan, on distingue plusieurs autres étudiants, dont un à la mâchoire carrée, casquette bleue vissée sur la tête, laissant échapper des larmes. Tous lèvent les bras en signe de victoire.
On distingue des murs blancs et des fenêtres aux verres colorés comme des vitraux, indiquant qu'on dans le hall d'un gros bâtiment [le "Quartier latin"].

Dans Si tu tends l'oreille, c'est la bienveillance du père de Shizuku, qui permet à la jeune fille de mener à bien son projet, bien qu'il ne soit pas forcément d'accord avec, ainsi que les encouragements et l'aide de Nishi.

Pour le Royaume des Chats, ce sont les efforts combinés de Muta, de Toto, du prince Lune, de Yuki, sa bien-aimée et de Baron qui permettront de sauver Haru de ce que le Roi-Chat lui avait préparé.

Enfin dans Arrietty, c'est la coopération entre l'héroïne et Shō qui permet de sauver Homily et d'aider le garçon à retrouver goût à la vie.

Même dans les films de Ghibli les plus sombres, on peut retrouver cette idée de collectif qui permet de surmonter les épreuves.

Dans Princesse Mononoke, c'est grâce à Ashitaka, aux travailleureuses de la mine, à San et sa famille de loups que le pire est évité, alors que tout ce beau monde passe une bonne partie du film à s'affronter.

Pour le Tombeau des Lucioles, c'est plus compliqué. Si Seita fait tout ce qu'il peut pour sauver sa sœur, c'est bien le manque de sollicitude de sa tante et des villageois qui va les mener à leur perte. En fait, l'idée est présente en creux, comme pour mieux souligner que la guerre et ses conséquences, le nationalisme aveugle et l'individualisme, entrainent une déshumanisation des individus qui mène au pire.

Scène un peu tendre du Tombeau des Lucioles
A gauche, Setsuko, petite fille japonaise de 4 ans, les cheveux noirs, courts, coupés en frange au front, portant un haut gris, et un pantalon bleu avec des carreaux blancs, tenant une tasse en porcelaine est assise à genoux sur un parquet. Elle a les yeux fermés et semble rire à gorge déployée.
Face à elle, à droite de l'image, se tient Seita, adolescent japonais de 14 ans, cheveux noirs, yeux noirs, vêtu d'un débardeur blanc et d'un pantalon marron, assis en tailleur, qui regarde sa sœur avec tendresse. On devine qu'il tient un objet rouge et jaune à la main [une boîte en fer].
En arrière plan, les murs blancs de leur chambre, aves à droite une esquisse de bambou qui décore la pièce, un rideau jaune en haut et une commode à droite.

Voilà, on arrive à la fin de mon deuxième article sur Leaflet, qui de manière surprenante traitait aussi de Ghibli, normalement je devrais parler d'un autre sujet dans le prochain.

Bon, je voulais finir sur quelque chose de plus léger, alors je pensais conclure sur une citation de Hayao Miyazaki dans cet article: "[Il est] préférable d’exprimer de manière honnête que ce qui est bon est bon, que ce qui est joli est joli et que ce qui est beau est beau". Ca laisse la place pour du potentiel kawaï, c'est vrai, du coup, on serait tenté de compléter, par rapport à ce qu'on a vu, avec "et que ce qui est laid est laid" pour être tout à fait raccord avec l'esprit de Ghibli.

J'espère que ça vous a plu et n'hésitez pas à venir en parler sur Bluesky si vous en avez envie.